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224                        DE I.A FOI.

de l'esprit. Le rire s'attaque a tout ce qui est beau; je ne
connais presque rien d'aussi cruel que le rire.
   On a vu les barbares détruire avec une secrète joie les
monuments des arts : en face des chefs-d'Å“uvre de la ci-
vilisation, ils sentirent qu'ils ne pouvaient tirer de vanité
que de leur force ! Plus brutes et moins fiers, les barbares
de la civilisation ont porté leurs mains sur ce que l'homme a
de plus sublime et de plus doux dans la pensée. Ne cherchez
pas d'autres moyens pour juger les hommes : qu'admirenl-ils?
de quoi rient-ils? Le Saint admire précisément ce qui n'ob-
tient que le rire des sots.
   A un seul point connaissez le Monde. Dans les assemblées
de son opulence, ou dans les bouges de sa misère, parlez de
morale ou de Dieu, chacun se tait et attend que vous ayez
fini. Parlez de ce qu'il y a de plus nouveau en crimes, en
anecdotes ou en modes, chacun écoute et vous sait gré. Au-
riez-vous l'art de saisir une fibre nouvelle dans la vanité de
chacun : quel homme charmant vous êtes ! Dites des riens, et
vous charmez; parlez du bien, vous ennuyez. Jugez par là
qui vous écoule.
    Il ne faut plus se faire illusion sur ce point, le Monde
est ce vieil arrière-train que l'antiquité a laissé au milieu de
nous. La civilisation chrétienne venant agrandir l'homme, a
attaqué ses deux destructeurs, l'orgueil, qui le renfermait
dans le moi, et les passions, qui le renfermaient dans le
corps. Le Monde a mis tout son art a faire refleurir l'un et
les autres. Les progrès dans l'ordre*civil et dans l'ordre éco-
nomique se sont effectués en proporlion de la prédominance
 en nous de la vertu et de l'amour. Le Monde a travaillé en
sens inverse des siècles ; il a recueilli et réparé tous ces vieux
 instruments d'esclavage intérieur que le christianisme avait
 flétri !
    Tout progrès est impossible dans le cœur où le Monde est