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150 M. ANGELO FRIGNANI.
« 0 brunette aux beaux yeux noirs, repris-je, viens ici ;
donne-moi la main, et je te dirai bientôt ton passé, ton pré-
sent, ton avenir.
« Elle me la tendit, et je l'examinai un instant ; je lui dé-
bitai ensuite, mot pour mot, tout ce que Jean-André (le gar-
dien, m'avait appris sur son compte.
« Jamais je ne vis un plus grand étonnement que le leur,
et quand elles entendirent que j'en disais autant à un autre
d'entre elles, la peur les prit, et elles s'écrièrent : Bien cer-
tainement, c'est le diable qui parle par sa bouche.
« Que vous êtes simples, mes enfants, repris-je ; pour-
quoi ne pas croire plutôt que c'est Dieu qui parle en moi,
puisque ma science m'a été transmise par le grand Tom-
massini? »
Vient ensuite une nièce de l'infirmière, et M. Frignani lui
fait aussi une prédiction de lui à elle, prédiction qui alluma
dans le cœur de l'imprudente enfant un-amour que Frignani
était bien loin de vouloir éveiller. Toutes ces petites anecdo-
tes sont un des plus gracieux endroits de la Mia Pazzia. Il
ne faut pas oublier cette histoire d'une folle, Charmant récit
que nous donnerons en entier.
Parmi les folles qui, Ã certaines heures du jour, sortaient de leurs
chambres pour prendre l'air dans le préau, il y en avait une ap-
pelée L...., et qui, bien qu'arrivée à l'âge de trente ans, était en-
core assez fraîche, avenante de sa personne, et jolie de visage. A
son vêtement à l'antique, à ses cheveux arrangés comme ceux des
vieilles femmes, Ã son scapulaire qu'elle portoit appendu au cou,
à sa fréquente habitude de se mettre à genoux en demandant par-
don à Dieu, à la manière brusque dont elle tournait le dos quand
elle voyait un homme, quel qu'il fût, et à ses cris : « Je ne veux
que mon mari, je ne veux que mon mari, » je conjecturai qu'elle
était devenue folle par scrupules, et qu'elle croyait que son repen-
tir ne serait pas suffisant pour lui obtenir le pardon de ses péchés.