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                   DEUX DOULEURS

Au gothique manoir, en son boudoir bleu pâle,
Dont les rideaux couleur de topaze et d'opale
Laissent filtrer un jour discret, frêle et calmant,
Sur une chaise longue est étendue inerte
La Marquise, tandis que par la porte ouverte
Epoux, parents, amis, pénètrent doucement.

Ce n'est autour de la pauvre mère ulcérée,
Et devant sa douleur profonde, immodérée
           Qu'un concert de sanglots.
Les plus indifférents sentent leur cœur se fendre
En pensant au Bébé, biscuit de Sèvres tendre,
           Dont les yeux bleus sont clos.

Et voici que tout près de la jeune Marquise,
Une charmante femme, une amie, est assise,
Prodigue de baisers et des plus tendres mots :
« O ma Mignonne, hélas ! votre immense tristesse,
Je la partage bien de toute ma tendresse
El de tout cœur je suis de moitié dans vos maux.

L'aimable femme part, une autre la remplace,
Et toute la journée un grand défilé passe
           Dans le sombre boudoir,
Si bien que malgré sa profonde déchirure,
La mère sent pourtant un peu moins sa blessure,
           Lorsqu'arrive le soir.

Et maintenant voyez dans sa pauvre chaumière,
Aux murs fendus ainsi que des clins de paupière,
Auprès de l'âire éteint, cette femme pleurer,
Par les carreaux brisés de l'étroite fenêtre,
Le froid entre en vainqueur, la rafale pénètre,
La neige en se gelant tombe sur le plancher.