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                          JOSÉPHIN SOULARY                            207

   Messieurs, je n'ai pas la prétention de vous offrir une biographie
même abrégée du maître que nous pleurons, il me semble qu'une
notice de ce genre serait peu digne du sol sacré que nous foulons en ce
moment ; une sèche nomenclature ne répondrait pas à notre commune
émotion, Trois noms à cette heure assiègent mon esprit : Victor de
Laprade, Jean Tisseur, Joséphin Soulary. Et Louisa Siefert que je ne
veux pas oublier ! Quoi, en si peu d'années, tous fauchés ! Il est temps
qu'à notre horizon montent d'autres étoiles. Je ne veux décourager
aucun des jeunes, il y en a qui ne sont pas sans nous donner de
sérieuses espérances. On l'aime toujours parmi nous, cet art des vers,
cette poésie qui est une des consolations de l'humanité ; mais la succes-
sion est ouverte, il y a une place à prendre, au plus digne de se
montrer !
   Permettez-moi, Messieurs, de faire une rapide allusion aux rapports
qui ont uni Soulary à l'Académie de Lyon. A cette occasion j'ai tenu à
avoir sous les yeux, plus complète que chez moi, l'œuvre copieuse de
l'écrivain.
   J'ai trouvé la collection de ces volumes dans une bibliothèque muni-
 cipale, bien détériorés à coup sûr, et je me suis réjoui de cette fatigue
du livre, de ces feuilles ternies à force d'avoir été lues.
    Mes souvenirs d'antan se sont réveillés aux pages charmantes si
souvent citées, les Rêves ambitieux, les Deux Cortèges, le Chêne, l'Escar-
polette et tant d'autres fruits de ses recueillements.
   Où donc trouvait-il les heures bénies de son inspiration ? Je suis assez
vieux pour avoir vu Soulary demandant son pain de tous les jours aux
fonctions administratives, qui l'accablaient de leur désespérante mono-
tonie. Mais ses soirées n'étaient qu'à lui, mais ses veillées nocturnes
compensaient les moments consacrés à la lutte pour l'existence. C'était
le temps des Éphémères, des Sonnets humouristiqu.es, des Fignlines,
Ensuite je le rencontrai dans les bibliothèques de notre ville, et enfin à
l'Académie de Lyon, qui a bénéficié trop tard du titre qu'elle lui a
décerné.
  Là encore je fais appel à mes souvenirs personnels, et dans son dis-
cours de réception je retrouve la plume exquise d'où est sortie l'origi-
nale silhouette d'un simple contrôleur du Grand-Théâtre, lui aussi
homme de lettres ; j'ai nommé son ami, le pauvre Labié, l'auteur d'une
cinquantaine de vaudevilles, qui cachait sous sa modeste enveloppe une.
organisation privilégiée.