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470 ENCORE L'ESTÉREL ans, les pins auront déjà couvert de leur feuillage ces plans aujourd'hui dénudés et d'une si triste couleur. Le fléau s'est étendu jusqu'au flanc du Mont-Vinaigre que les flammes sont venues lécher, mais qui forcément ont expiré contre un obstacle aussi incombustible qu'est le roc. C'est le cœur, serré que l'on parcourt ces forêts de squelettes dépouillés de leur verdure et noircis par les flammes. Ceux des chênes lièges surtout ont un aspect effrayant; leurs racines contournées les font ressembler à des êtres convulsionnés, brûlés dans les plus affreux tour- ments. Les souches des arbres détruits se dressent comme des poignards, qui vous blessent les pieds; les branches charbonnées des arbres encore debout, après vous avoir écorché les mains, vous mâchurent le visage. Sorti de ces tristes lieux, vos vêtements maculés, votre figure noircie et vos mains déchirées vous donnent l'aspect d'un malheureux que l'on vient d'arracher à un incendie. S'il vous était donné d'assister à ces gigantesques ho- locaustes qui, dans 24 heures, anéantissent vingt-cinq millions de richesses, l'horreur du spectacle grandiose auquel vous assisteriez serait bien faite pour vous émou- voir. Rien d'affreux, en effet, comme le bruit crépitant des arbres qui brûlent et souvent éclatent, des pommes de pins qui sont projetées au loin comme des projectiles et des grands arbres qui s'effondrent dans ces nuages de fumée et de flammes qui viennent lécher les rochers qui en rougissent et souvent s'écroulent avec fracas, et, phénomène singulier qui se produit souvent, c'est que l'on voit de grands arbres encore distants du foyer de l'incendie courber leur tête du côté du feu comme pour appeler la mort à eux. On dirait que ces arbres ont le vertige comme les hommes que les profondeurs attirent / \