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450                  ENCORE L'ESTÉRËh

   J'ai cependant toujours constaté, je dois le dire, qu'il
n'y avait pas pour moi de plaisir plus vif, d'impressions
plus saisissantes, d'élancements de l'âme plus élevés
que ceux que me procure encore une excursion diri-
gée vers une de ces parties de notre planète difficile-
ment assemblées et rarement foulées par le pied de l'hom-
me, qui sont comme des sanctuaires où l'on se trouve
pour ainsi dire face à face avec la divinité qui semble rési-
der dans ces solitudes plutôt qu'ailleurs.
   C'était inspirés par ces sentiments sans doute, que
nos pères les Gaulois offraient leurs sacrifices dans les
profondeurs de leurs mystérieuses forêts ou sur les som-
mets presque inaccessibles. On comprend que l'Estérel
devait être un lieu préféré pour la pratique de ces terri-
bles mystères qui étaient toujours suivis de sacrifices
humains
   Plus tard, envahies par les Sarrazins vivant de chasse
et de rapine, ces contrées échappaient à la civilisation
quand déj à les pays environnants se ressentaient de la douce
influence de la nouvelle religion du Christ. Ces monta-
gnes finisaient cependant par être sillonnées par des rou-
tes; mais elles étaient si peu sûres que jusqu'au milieu de
notre siècle les voyageurs étaient dévalisés et que les di-
ligences, quoique escortées par des gendarmes, ont été
plus d'une fois obligées de se défendre contre des agres-
sions dont la force armée ne sortait pas toujours victo-'
rieuse.
   Les légendes du pays sont encore pleines du souvenir
des hauts faits de Gaspard de Besse, brigand célèbre qui,
sur les dernières années du siècle passé, désola ces con-
trées et rendit l'Estérel impraticable aux voyageurs.