page suivante »
432 LE THÉÂTRE A LÃON yeux noirs, des sourcils très-prononcés, le reste de la au- gure à l'avenant : il n'a que dix-neuf ans (1). » Les actrices se disputaient les rôles des pièces où il jouait. Mais l'écrasante supériorité de son maître le fit échouer : il partit pour Bruxelles et se condamna à quatre ans d'exil volontaire, pendant lesquels on le retrouve en- core avec Lekain au théâtre de Lyon. Ce fut pendant l'été de 1773, lorsque le patriarche de Ferney écrivait à « l'auteur unique de la France et son ancien ami », qu'il ignorait si sa «malheureuse santé» (dont il se plaignait toujours), lui laisserait la force d'al- ler l'entendre, lui promettant de faire le voyage de Fer- ney à Lyon s'il voulait apprendre le rôle de Teucer pour l'y jouer: « J'ai juré, ajoutait-il courtoisement, de ne voir jamais aucun spectacle que ceux qui sont embellis par vous(2). » Du reste, pour se faire une idée de l'engouement dont Larive était lui-même l'objet, il faut lire ces vers, cités par M. de Manne, qui furent adressés à cet acteur en plein théâtre de Lyon, le 1erjuin de la même année, aune représentation à 'OEdipe: « Interprète touchant de Malpomène en pleurs, Toi qui sçais à ta voix intéresser les cÅ“urs, Dis-nous quel Dieu puissant te pénètre et t'enflamme, Et porte dans nos sens le trouble de ton âme ! Å’dipe, de ton être agitant les ressorts, De la nuit du tombeau t'inspire les remords. Tremblant, saisi d'horreur, je vois tes pas timides Reculer à l'aspect desfièresEuménides. Tu vas peindre Orosmane et passer tour à tour Des cris de la fureur aux soupirs de l'amour ; Je m'attendris alors, et mon âme attentive Au terrible Lekain préfère de La Rive. Tu fuis, ô ciel ! Où suis-je ? Adieu larmes, plaisir.. , Cher Larive, reviens ! . . . » (1) Mém. Sec. 10sept. 1770. (2) Corresp. de Voltaire, Ferney, 7 mai et 7 auguste 1773.