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398                   UNE FEMME MURÉE

core ma mère pour vous dire : Venez chez elle ! Mais
hélas ! je ne l'ai plus ! Où voulez-vous, damoiselle, que
je vous conduise ?
   Après quelques heures passées auprès du châtelain, le
père Athanase descendit, il était plus grave que jamais,
il apportait presque un message de mort : — J'ai confessé
votre père, ma fille, dit-il, je viens d'écrire une lettre à
son frère, et son testament ; il vous envoie sa bénédiction
qu'il se reconnaît indigne de vous donner lui-même ; il
proclame que vous êtes un ange, que jamais il n'a
eu un reproche à vous faire, il vous met sous la
protection de votre oncle et espère qu'un jour, adopté
par lui et unie à l'époux qu'il veut que vous choisissiez
vous-même, vous serez dame et maîtresse dans sa sei-
gneurie pour le bonheur de tous . Il n'oublie pas ses
pauvres dans son testament, ses vieux serviteursjil vous, .
dit adieu pour l'éternité.
   Le lendemain matin ,Roger fut atteint d'une fièvre vio-
lente, qui le mit en grand danger. Gabrielle était plon-
gée dans un sommeil douloureux, lorsqu'une litière bien
fermée sortit de l'avenue. Gaspard, accompagné du père
Athanase, prit le chemin de l'abbaye d'Arvière ; il sen-
tait qu'il n'avait plus que quelques jours à vivre et vou-
lait les consacrer à la pénitence. Le père abbé reçut
comme novice le haut et puissant seigneur qui revêtit
aussitôt le saint habit. Personne n'aurait reconnu dans
ce moine courbé sur la terre, à la barbe blanche, aux yeux
éteints, le superbe et fougueux Gaspard. La religion ins-
pirait alors souvent de ces transformations, et donnait
au monde de grands exemples de pénitence et de repen-
tir.
   Gabrielle donna tous ses soins à Roger ; comme toutes
les châtelaines de cette époque,elle savait l'art de guérir;
elle attendait le retour du père Athanase, et l'arrivée de
son oncle avec impatience.
   Le premier lut à haute voix à la chapelle le testament
du châtelain et le recommanda aux prières de tous, par-
lant avec grande édification de l'expiation de son crime,
qui bientôt fut connu de toutes parts.
   Le duc de Savoie, en l'apprenant, jugea de son devoir
de ne point le laisser impuni. Il somma le meurtrier
de comparaître devant lui pour y rendre compte de sa
conduite ; mais lorsqu'il sut que Gaspard était dans un