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292 UNE FEMME MURÉE cris des vassaux se faisaient entendre jusque dans la salle du festin, et jamais le vieux manoir n'avait eu plus joyeuse animation. Cependant rentré dans la salle d'honneur, on presse le troubadour de se faire entendre, on redemande les ballades de la veille, et d'autres encore; on applaudit avec enthousiasme. Bientôt d'autres voix se mêlent à la sienne, Gabrielle chante aussi, et la fête suit son cours, brillante, animée; à la musique succède la danse, le vainqueur de la chasse offrit la main à la comtesse. Gaspard ne reparaît plus, Emma est si heureuse de voir et d'admirer son frère qu'elle ne remarque point son absence ; Gabrielle seule s'inquiète, elle regarde Emma avec sollicitude. Dans ce moment, tous les deux exécu- taient une danse difficile, nouvellement importée d'Allema- gne, et l'on faisait cercle autour d'eux, pour admirer leurs grâces modestes et pleines de dignité. Emma les admirait aussi et une douce gaieté animait ses yeux pour la première fois. L'espoir d'un meilleur avenir se levait comme une aurore dans son âme. Son époux si heureux de ses espérances'maternelles .devien- drait de plus en plus doux, plus aimable; elle obtiendrait sa réconciliation avec son père; peut-être oserait-elle lui présenter l'aimable troubadour sous son vrai nom, peut-être pourrait-elle unir Roger et Gabrielle si bien ' faits pour s'aimer, être heureux l'un par l'autre, et Emma attendrie à cette pensée regardait avec complaisance les deux personnes qu'elle aimait le plus sur la terre. Le signal est donné et des danses tour à tour graves, sérieuses et folâtres se succédaient. Gaspard fatigué de tant de bruit, s'était retiré sans qu'on s'en fût aperçu ; Gabrielle se livre aussi avec entrain à un exercice qu'elle aime; toute fois elle veille avec soin sur Emma, s'empare de