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UNE FEMME MCRÉE 28 9 plus jolie. — 0 mon Roger, pensa-t-elle, rien ne peut m'étonnar de toi ! mais elle se garda bien de laisser voir qu'elle l'avait reconnu. Après le festin, qui fut joyeux, le troubadour chanta en s'accompagnant de son luth; il dit d'aberd les douleurs de l'absent. « Je m'éloigne de toi, blonde Armelle, plus belle à mes yeux que la rose qui s'ouvre au souffle du zéphir; je pars, je m'éloigne et tu ignores mes senti- ments. Peut-être à mon retour, ne seras-tu plus libre de disposer de ton cœur ?je pars; déjà nos voiles s'arrondis- sent, comme l'outr edu vieux Silène, les flots de la plaine azurée caressant les flancs de notre navire. Je pars et je charge le nuage errant, l'hirondelle voyageuse de te parler de moi; j'emporte ta douce image au fond de mon cœur, elle seule me fera vivre dans de lointains climats. » Roger rendit ensuite les romances favorites de sa sœur, les aventures du chevalier Tristan et de sa fiancée dans les déserts de la Palestine. Toute la société applau- dit avec transport. Emma ne pouvait plus dissimuler son bonheur. Gabrielle aussi était émue, jamais elle ne vit une figure plus sympathique que celle du troubadour, jamais chant plus suave n'avait retenti à ses oreilles. Le trouble d'Emma n'échappa pas à sa vue. Le lendemain, de brillantes fanfares réveillèrent le château, une chasse avait lieu, on y voyait les seigneurs de Virieu, de Flaxieu, de Luyrieu, les comtes d'Austel, de Rochefort, de Mallivert, tous suivis de leurs écuyers, de leur meute. Cependant Emma, toute à la joie de revoir son frère, se leva de bonne heure et se rendit à la chapelle où il l'attendait. Après la messe, le frère et la sœur entrèrent dans un bosquet» sur la terrasse:— 0 Mon Roger, mon frère