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228                  UN POEME CHINOIS

   Comme si la Chine n'était pas le pays dont la littéra-
ture est la plus ancienne, puisque sous'l'empereur Fou-hi,
plus de 3,000 ans avant notre ère, il était déjà question
en Chine de poésie, d'agriculture, déversa soie et de géo-
graphie ! Comme si cette contrée,, où la seule noblesse
consiste dans la corporation des lettrés, n'avait pas été,
pour l'Europe, le berceau des arts, des sciences et des
lettres! Comme si l'agriculture, cette nourrice du monde
civilisé, n'avait pas été en honneur en Chine', depuis les
temps les plus reculés! Comme si la plupartdes arts usuels
et des sciences spéculatives n'y avaient pas été en usa-
ge, alors que nos aïeux, habitant les cavernes ou les
palaphytes, vêtus comme des ours, ignorant les propriétés
des métaux, ne vivaient que du produit de leur chasse
ou de leur pêche, obtenusau moyen d'instruments de pierre,
ce qui a donné lieu à la boutade suivante :

      Les Chinois ne sont pas ce qu'un vain peuple pense-
      Ils labouraient la terre, inventaient le papier,
      Fabriquaient le coton, la soie et la faïence,
      Employaient la boussole, et la poudre et l'acier,
      Que nous n'étions encor que de pauvres sauvages,
      Habitant les rochers, les bois, les marécages.
      Il vous sied bien, à vous, Iroquois ou Gaulois,
             De railler les Chinois !

   Aujourd'hui, oubliant l'opposition inexplicable de mon
 adversaire, espérant des juges plus éclairés et plus bien-
 veillants, je vais tenter de faire connaître une autre" pro-
duction, non moins éclatante, non moins instructive de
M. le marquis d'Hervey de Saint-Denys, professeur au
collège de France, où il a remplacé M. Stanislas Julien,
le plus célèbre des sinologues des pays occidentaux, en-
levé trop tôt à l'histoire, à la géographie et aux lettres. Je
désire offrir une idée de la traduction, ou plutôt de, l'inter-
prétation d'une des plus anciennes œuvres poétiques des
Chinois, de la fameuse composition lyrique, intitulée le
Li-Sao, qui date de la première année du IIP siècle avant
notre ère (201, A . E . ) , époque d'Ânnibalet de Scipion.
   Cette Å“uvre n'est pas la plus ancienne des Chinois, car
le Shi-King, ou livre des vers, recueilli par Confucius, est
d'une date bien pins reculée, mais elle est considérée
comme la plus magistrale de l'art poétique des Chinois.
Elle a été composée sous le règne du dernier empereur
éphémère de la dynastie des Tchéou. C'était l'époque où