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138 UNE FEMME MURÉE — Hélas! dit la triste fiancée, ou plutôt victime, je place en vous ma confiance. Allez, Roger, auprès de notre père, dites-lui que je renonce au mariage pour entrer en religion, et que je ne veux plus ( rentrer dans le monde, où je ne regretterai que vous, mon cher Roger. » Le chevalier quitta sa sœur, en lui donnant tout es- poir. Il combattit son désir d'être religieuse et la pria de se reposer sur lui du soin de son bonheur. Mais arrivé à Chambéry, Roger trouva son père inflexible. Les grâces et la douceur de votre sœur adouciront son époux, lui dit-il ; souvent un homme dans la fougue de l'âge et des passions fait le malheur d'une première épouse, et plus tard, le bonheur d'une seconde. Du reste, jamais elle ne retrouverait un parti semblable, une aussi belle, aussi riche seigneurie. Roger voulut insister ; son père le congédia avec hau- teur. Le malheureux jeune homme ne se consolait point. On lui avait fait à Chambéry un tableau trop fidèle des habi- tudes de son futur beau-frère, et il frémit en songeant aux douleurs qui attendaient la douce victime ; on lui parla aussi de Gabrielle, l'ange du vieux manoir. Il eût au moins désiré la voir, mettre sous sa protection ce qu'il avait de plus cher au monde, il apprit avec regret qu'elle avait quitté Chambéry. Roger voulut revoir sa sœur encore une fois ; mais il s'efforça de lui dissimuler ses inquiétudes. Il tâcha de la réconcilier avec sa situation, de lui donner des forces et du courage : — « Dieu est avec vous, lui disait-il, il est le protecteur des affligés, des orphelins. Souvent la po- sition la plus désespérée change d'aspect lorsqu'elle est plus connue. Adieu ma sœur, songez à notre amitié,