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DE ROANNE A LA PRUGNE 55 rent pour l'effroi des passants. La mort, voilà le sombre nuage, la brume froide et grise! Après ? . . . il y aura un rayon de soleil pour les pauvres voyageurs. Eh ! vrai, voici qu'il pointe sur le campanile carré de Pouilly et sur son abside bysantine de l'ordre de Saint- Menoux, et nous voyons au-delà des grands arbres de la rivière, comme entre deux'draperies la montagne de la Madeleine a demi sombre; à ses pieds, riant et éclairé, le bourg de Saint-André d'Apchon avec les restes de son manoir. Riche et verdoyante est la plaine, vrai bien de moines. On nous parle de religieux gaulois, les Bihermes, qui croyaient à une double vie, on nous montre de loin leur fontaine sacrée, naguère hantée par un serpent fabuleux, au milieu des tuiles à crochet et des ruines romaines. ASaint-André, c'est la Renaissance, le xvi" siècle qui ne déflore pas les traditions païennes, le grand maréchal curieux des hautes élégances/des fêtes, des tournois san- glants ou galants; les visites des rois, l'art du temps de Henri II et de Diane de Poitiers avaient rempli le pays de débris précieux tombés aux mains des Juifs marchands d'antiquités. Mais sans nous écarter de la route, nous voyons la grosse tour, quelques médaillons sculptés aux murailles, un socle de croix orné d'acanthes ; sur la place,ancienne terrasse du château, un ormeau desséché, immense et respecté des habitants ; en ce temps de mi- nistres, on voit avec plaisir même l'ombre d'un Sully. L'escalade de la montagne commence à travers les vignes, le plant descend en droite ligne au levant décli- nant au midi, quel soleil bon! quel feu septembral! et combien je comprends, un instant, ce citoyen de Saint- André qui, touché de la grâce bachique, émettait sous l'orme la théologie vinicole d'un dieu unique, le dieu