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JOURNAL DES NOUVELLES DE PARIS 39 cependant on travaille fort et ferme à concilier et l'on ne doute pas qiïe la paix ne se fasse et si l'on fait encore cette campagne ce ne sera que par forme d'amusement. Notre bon cardinal a peur des Anglais et d'ailleurs son économie ne trouve pas son compte à cette g-uerre et sûrement il ne dépendra pas de lui qu'elle ne finisse. L'esprit de paix ne règne pas aussi bien chez les ministres de nos plaisirs, je veux dire les comédiens et les opérateurs. M1" lie Lerne que vous avez vue à Lyon ,mécontente de ce qu'on lui avait enlevé le rôle de Pénélope pour le donner à la Ballicour a écrit trois lettres, au cardinal, au garde des sceaux et au duc de Gevres ; les deux premières sont rai- sonnables, mais la troisième est assez singulière : « Comme je ne peux ni ne veux plus jouer la comédie, vous pouvez, Monsieur, avertir vos comédiens pour qu'ils prennent leur mesure là dessus. J'ai l'honneur etc. » M. de Gevres a fait voir au roi cette missive qui pour toute réponse a dit : « l'Hôpital, » mais la de Lerne qui avait prévu l'orage s'est cachée ; le bruit court qu'elle a passé à l'étranger, mais les gens mieux informés disent qu'elle est chez le marquis de Nesle son protecteur. Dufrène, son mari, qui est brouillé avec elle depuis très- longtemps et qui en est même séparé, a voulu jouer au galant homme dans cette circonstance. Il est allé deman- der à "Versailles son congé et comme il l'a fait un peu trop vivement et qu'il a dit au duc de Gevres qu'il aimerait mieux aller aux galères que de jouer la comédie, on a partagé le différend, on l'a envoyé au Fort-1'Evêque et la réflexion lui a rendu le bon sens. L'esprit de division et de révolte a passé de là à l'opéra. MHe Lemaure ne voulait pas jouer dans Jephtéf que l'on vient de donner pour rem- placer l'opéra nouveau qui est absolument tombé. On l'avait forcée de prendre son rôle sous peine de la prison.