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JOURNAL DES NOUVELLES DE PARIS 443 ami dont le caractère est admirable et qui lui fait sentir la faiblesse de son préjugé et l'oblige à aller faire part à sa femme de ce qui se passe dans son cœur. Il part dans ce dessein, mais il en est empêché par quelque incident nouveau que l'auteur en a fait naître prudemment pour conduire la pièce jusqu'au 5e acte, dont le dénouement est des plus heureux et des plus touchants, et qui a fait pleurer toutes les femmes qui en souhaiteraient un pa- reil. Cette pièce qui est de M. de la Chaussée et qui vaut pour le moins un sermon, a fait déjà , dit-on, plu- sieurs conversions, et les mauvais plaisants disent que Si. le Cardinal va retrancher une partie des économats pour en récompenser les nouveaux convertis et que Dufrène qui a joué le rôle du mari amoureux de sa femme s'est si fort affecté de son propre rôle qu'il en redevint amoureux de la sienne. La versification en est d'ailleurs charmante (1). M. le prince de Conti qui a une des plus belles femmes de France est amoureux de Mme Darty, l'une des filles de Me Fontaine la favorite de Bernard, et sœur de M" de la Louche à qui M. le duc d'Alincourt (2) a été attaché avec constance jusqu'au dernier moment, et qui se con- sole alternativement de sa perte avec le duc de la Tré- mouille et milord duc de Quinston. Cette nouvelle incli- (I) Pierre Nivelle «le la Chaussée (1652-1754), reçu à l'Académie française, en 1736. Il s'agit ici de la seconde pièce, inspirée par MU" Quinault qui en avait d'abord proposé la sujet à Voltaire: elle était intitulée le Préjugé à la mode, en cinq actes et fut représentée le 3 février. Alexis Quinault Dufresne était un meilleur aoteuF, fils d'acteur. On raconte qu'il é'ait si glorieux qu'il parlait à peine à ses domestiques et lorsqu'il était question de payer un fiacre, il se contentait de faire un signe ou de d ire d'un air superbe : Qu'on paye ce malheureux !... (%) Fils du duc de Villeroy.