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186 LA BATAILLE DE NÉZIB Soliman avec un malin sourire, si nous eussions été vaincus, nous aurions tous été noyés dans l'Euphrafe. — Altesse, je n'en aurais rien su,luiréponditSoliman, car je me serais fait tuer auparavant. On prétend, à propos de l'Euphrate, que les mêmes journalistes européens qui avaient dit qu'avant la bataille de Nézib, Ibrahim avait relevé les remparts d'Alep et augmenté ses immenses fortifications, crurent bon d'annoncer que la plupart des soldats d'Hafiz avaient péri dans le fleuve, en essayant de le traverser. Ils ne savaient pas, sans doute, qu'entre Nézib et l'Euphrate se trouvait l'armée égyptienne et que ce n'était pas à travers ses rangs que les vaincus avaient fui. Ibrahim aussitôt lança des courriers dans toutes les directions, et'd'abord il prévint son père de cette vic- toire si brillante qui sauvait l'Egypte et ébranlait si profondément le trône du sultan; il exaltait la gloire de Soliman à qui on la devait, il en détaillait les avantages inespérés : cent soixante dix-neuf bouches à feu, en y comprenant les canons des redoutes de Nézib et de celles de Bïr^ qu'on se hâta d'aller capturer, douze à quinze mille prisonniers; quinze à dix-huit mille fusils; le camp tout entier avec ses approvisionnements. Jamais triomphe n'avait été plus complet. Le règne de Méhémet Ali était inscrit désormais parmi les plus glorieux de l'Egypte et lui-même, le souverain qui avait organisé lé pays, l'administrateur, le législateur, serait appelé : le Conquérant et le Victorieux. Les conquêtes morales n'étaient pas moins grandes que les avantages matériels. La sécurité de l'Egypte était désormais complète. Appuyée sur le Taurus dont elle tenait les passages, ayant une frontière tracée par la nature et qu'aucune armée ne pouvait forcer, elle