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                        SOUVENIRS' D'UN GAMIN                          289

file se profilaient sur le coteau ; lorsque, sur la route, le
roulement des feux de pelotons était répété par les
échos de la montagne, tout le fracas était dominé par
cette voix terrible du canon qui n'a que celle du tonnerre
pour rivale. L'air était si calme que l'on distinguait cha-
que coup dont la fumée montait en colonne verticale,
pour ainsi dire, sans déviation.
   Nos professeurs,ne prévoyant pas un dénouement aussi
immédiat, nous avaient menés en promenade sur les
hauteurs de Caluire, d'où nous avions été les témoins
des scènes dont je viens de parler ; nous descendî-
mes sur les rives de la Saône, en nous dirigeant sur
Lyon. La fusillade devenait plus intense. Saint-Cyr,
Collonges et même Saint-Rambert étaient envahis par
les troupes ennemies. Courant, pour ainsi dire, jusqu'au
pied de la tour de la Belle-Allemande, nous fûmes ar-
rêtés par un détachement d'artilleurs de la marine im-
périale qui disposaient leurs pièces pour recevoir les
ennemis qui faisaient mine de vouloir envahir le plan de
Vaise.
   Le château de la Duchère, qui domine le faubourg de
Vaise, fut envahi par l'ennemi, qui en fut bientôt délogé.
Repris de nouveau, les Français l'escaladèrent encore et
les occupants furent précipités par les croisées. Enfin,
après plusieurs prises et reprises, la Duchère resta aux
Français qui y établissaient leurs pièces dans les apparte-
ments, lorsque, comme un torrent, déboucha un régi-
ment de dragons de la Tour (1) qui vinrent se ranger en
bataille dans les prés quiavoisinaient la Saône où se trou-
vent aujourd'hui les moulins Vachon. Je les vois encore


  (1) Les dragons de la Tour portaient un uniforme blanc ; la poitrine était
couverte d'un© cuirasse noire ; mais le dos n'était pas cuirassé.
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