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                             DE LA VÉRITÉ.                            379
   les Jacobins. Les Jacobins se croient obligés de suivre saint
   Thomas et pourquoi? C'est souvent parce que ce saint docteur
   était de leur ordre. Les Cordeliers, au contraire, embrassent les
   sentiments de Scott, parce que Scott était Cordelier (1). » Que cela
  fut vrai et que Mallebranche eut raison! mais que cela reste vrai
  môme de notre temps ! Nos Cordeliers politiques ne combattent-
  ils pas, avec leur Scott, nos Jacobins politiques qui s'abritent
  sous leur saint Thomas ? Qu'y a-t-il de changé dans ce qui fut
  autrefois, que les noms ? Je me trompe, l'objet même a changé ;
  on ne s'échauffe plus sur la religion, mais sur le gouvernement:
  et qui possède le vrai sur un sujet sur lequel les Cordeliers men-
  tent selon les Jacobins, et les Jacobins selon les Cordeliers ?
     Leibnitz veut qu'en scrutant la vérité d'une idée, on en cons-
  tate la possibilité pour apprécier si elle n'implique pas quelque
  contradiction substantielle, c'est-à-dire une impossibilité (2) ;
  cela est bien vague. Mallebranche veut qu'on s'efforce de ren-
 verser une idée avant de l'admettre, pour mieux constater sa
 force, et cela est aussi sensé qu'imparfait ; car cela ressort sur-
 tout de la dialectique qui no nous apprend rien sur l'induction.
 Mais comment remonter aux principes et reconnaître le vrai des
 principes? C'est îe secret à chercher et à découvrir.
     Je sais bien que pour s'assurer' de la vérité d'un principe, il
 faut l'appliquer, et que, pour le bien appliquer, il faut l'essayer,
. le contrôler sous toutes les formes qui lui sont propres, et dans
  tous les cas qu'il embrasse naturellement ; je reconnais que le prin-
 cipe qui subit avec succès cette épreuve est probablement vrai ;
  mais c'est la difficulté de l'épreuve qui me touche. J'ai bien peur
 qu'un principe qu'il faut ainsi vérifier ne soit longtemps incertain.
     Comme preuve de l'existence des corps, nous avons l'assen-
  timent général, ou mieux, l'assentiment universel ; et non
  seulement nous savons par cet assentiment, conforme à nos per-
  ceptions personnelles, qu'il y a des corps, en général, mais nous

   (1) De la recherche de la vérité, 3-6.
  (2) Supposons, par exemple, un cercle : s'il a les conditions du carré,
ce n'est plus un cercle, cor le carré exclut le cercle.