Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                     NOUVELLE DAUPHINOISE.                  229

      Un combat douloureux se livrait dans le cœur de Fran-
   çois et de Jeanne. Qu'allait-il se passer hors des murs de
   la capitale? Si cela devenait terrible, comme tout le faisait
   prévoir, leur enfant pouvait être atteint... et alors!...
      0 France trois fois chère! combien il faut t'aimer pour
  que tu puisses entrer dans la balance avec un fils, et la
  faire encore pencher en ta faveur ! -
     Depuis la mort de Marguerite, les deux vieillards ne
  vivaient pas ; la douce créature aimée de Julien n'était
  plus là pour les encourager, pour leur donner des conso-
  lations, leur disant de sa voix charmante : — Si vous
  m'aimez un peu, prenez patience jusqu'à son retour!
     D'ailleurs, ils étaient sans nouvelles de Paris, depuis
  longtemps, lorsqu'enfin on apprit qu'une véritable bataille
  avait eu liou à Montretout, et que le feu ennemi avait fait
  bien des ravages parmi les nôtres, qui s'étaient, du reste,
  battus comme des lions, —je veux dire comme des Dau-
  phinois,
     Qu'était devenu Julien? se trouvait-il au nombre des
  blessés, ou... des morts? Qu'allait-on apprendre de lui
 bientôt?... Quelles heures, quels longs jours de poignante
 impatience, il fallut passer alors !
     Le père François ne manquait jamais d'aller chez le
 docteur ou au café, pour lire le journal,|;afin de savoir si
 l'on avait des nouvelles de nos jeunes soldats; mais un
 jour, comme il souffrait beaucoup d'une jambe qui avait
 reçu une blessure en Algérie, il ne put s'acheminer vers
 les lieux où il pensait trouver quelques renseignements
 opportuns. Ce fut la mère Jeanne qui s'y rendit, avec un
 empressement que l'on devine. Devant les premières
/maisons du bourg, elle rencontra de ces odieuses com-
 mères qui, tout en faisant mine de vouloir garder un
 secret, ne désirent rien tant que de le révéler, surtout
 lorsqu'il s'agit de mauvaises nouvelles. Ce sont de vérita-
 bles chouettes postées sur le chemin de la vie, pour être
 les'avant-coureurs des désastres.