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                         LA SAINTE-CÉCILE. ,                     279

sait d'éclats inaccoutumés, de même qu'il devait retentir de sons
harmonieux auxquels ne l'ont pas habitué les vociférations dis-
cordantes de MM. les agents de change. Une profusion de lus-
tres éblouissants s'alignaient en rang, tout comme des volon-
taires d'un an, ell'estrade des'exécutants qui occupait la moi-
tié de l'immense vaisseau, était décoré d'azalées fleuris, de
palmiers et de plantes exotiques ; les chanteurs et les musiciens
de l'orchestre étaient comme plongés en un nid de verdure et
de fleurs ; il semblait que ces habiles amateurs eussent voulu
ne pas s'apercevoir qu'ils avaient des auditeurs attentifs, et le
public paraissait être venu indiscrètement entendre gazouiller
les gracieux oiseaux qui remuaient dans ce grand nid. — Je ne
parle que des dames, bifin entendu.
   Et puisque je les tiens sous ma plume, je me permettrai de
faire observer que quelques toilettes n'avaient pas tout-à-fait le
mysticisme requis en pareille occasion ; il y avait çà et là des
costumes roses, lilas tendre, poneeau, verts ou rouges.
   Les quêteuses (car il s'agissait d'oeuvres de charité), étaient en
grande toilette ; les commissaires, en cravate blanche, étaient
nombreux et bien stylés. Tout avait un grand air et disposait
au ton élevé qu'on allait prendre.
   L'orchestre ouvrit la séance par l'ouverture : La dédicace du
Temple, de Beethoven. J'avoue que je n'ai pas retrouvé dans ce
morceau le célèbre auteur des Symphonies. Serait-ce une œuvre
de sa jeunesse ? Ordinairement, Beethoven expose simplement
ses idées, puis il les grandit en les développant, les élève en les.
enchevêtrant, les échauffe en les combinant et obtient le drama-
tique et le grandiose avec des éléments en apparence restreints.
On croirait entendre un bonhomme qui vous dit une naïveté,
et, pour l'expliquer, s'élance dans les considérations esthétiques
les plus relevées. Il y a un moment où, comme dans les vieux
contes, le nain devient colosse, lo rat devient lion. Or, on dirait
que dans cette ouverture, l'auteur a négligé de déployer ses
ailes, ou que, trop faible, il n'a pu leur donner leur envergure
ordinaire. En somme, j'ai été fort désappointé de ne point ren-
contrer le roi fauve que je m'attendais à trouver.