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330                     LA REVUE LYONNAISE




   Ce spectacle, auquel elle n'était pas habituée, jeta positivement
un froid sur la meute. Elle hésita, avait peur. Le chevreuil en pro-
fita. Débarrassé de la mort imminente, il semblait avoir recouvré
toutes ses forces. Il se releva et fit un bond immense dans le taillis.
Les chiens, revenus de leur stupeur, allaient le suivre, lorsque parut
la chevrette, qui par dévouement pour son époux, donna le change
à son tour. Les chiens se lancèrent sur sa piste. Mais elle était
reposée et les chiens à bout... Puis un honnête homme ne chasse
pas la chevrette.
   M. de Richepertuis arrivait en face de Ravageot, étendu les
quatre fers en l'air. Il l'examina, puis s'approcha de moi, ainsi que
MUe Hildegarde. Mon premier mouvement était d'avouer la vérité,
mais le regard que me lança la jeune fille m'en empêcha. Positi-
vement, je n'étais pas convaincu qu'à la suite de mon aveu, elle ne
m'envoyât à son tour deux chevrotines dans le corps. En baissant la
tête, je m'adressai à M. de Richepertuis :
   — Monsieur, je suis confus... je suis désolé... Pardonnez à mon
inexpérience...
   — Ravageot était notre meilleur chien, fit M. de Richepertuis.
   — De ces chiens pour lesquels on donnerait facilement la vie
d'un homme, Monsieur ! fit à son tour MUe Hildegarde en me regar-
dant fixement...
    Il était clair que « l'homme », c'était moi.

                                  *
                                 * *

   M. de Richepertuis fit cesser la chasse, sans chercher à découvrir
l'endroit où le chevreuil s'était relaissé. D'ailleurs, chiens et hommes
en avaient assez. Seule, MIle Hildegarde tenait bon et ne lâcha la
proie qu'à regret. Mais il fallut rentrer au château. Chacun monta
dans sa chambre pour changer de vêtements. J'attendis que la cloche
eût sonné pour le déjeuner et que tout le monde fût à table. Alors,