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CHEZ MÉCÈNE
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Horace a détaché ses tablettes d'ivoire;
Il les parcourt, et dit, en relevant les yeux :
« A LICIN1US.
« Il faut, Licinius, vivre comme le sage,
Ne pas toujours pousser au large, par orgueil,
Ni de trop près serrer, par crainte de l'orage,
Le rivage où baigne Técueil.
« La médiocrité dorée orne la vie.
Celui qui sait l'aimer jouit d'un calme heureux,
Loin des riches palais que le vulgaire envie,
Et loin des bouges ténébreux.
« L'aquilon plus souvent courbe dans les campagnes
Les pins, arbres géants. La plus haute des tours
Tombe plus lourdement. La foudre, des montagnes
Frappe les cîmes tous les jours.
« Un cœur bien préparé, dans le malheur, espère,
Et craint au jour heureux un triste lendemain.
Jupiter, à son gré, chasse, envoie ou tempère
L'hiver d'un geste de sa main.
« Ta vie est sombre ? attends, elle sera meilleure.
Apollon quelquefois excite par son luth
La Muse qui sommeille, et son arc, Ã toute heure,
Ne cherche pas un nouveau but.
N° 58. - Octobre 1885.