Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
32                       LÀ REVOE LYONNAISE

un ordre extrême, une minutieuse régularité, toutes qualités qui
paraissent incompatibles avec la poésie et auxquelles il sut cepen-
dant merveilleusement se plier.
   On ne lui tint pas rancune de sa fugue et de sa déconvenue. Son
caractère aimable lui attira des amitiés. Nos meilleures maisons
acceptèrent ses soins, et bientôt il ne put suffire au travail qui le
débordait. Assidu, précis, économe de son temps autant que de la
modeste fortune qu'il amassait, il sut se livrer au travail sans être
morose, et, avouons-le, aux entraînements de la jeunesse, sans rien
perdre de l'estime que les négociants avaient pour lui, et sans laisser
entamer la moindre partie de son honorabilité.
   On en était à cette renaissance littéraire, qui fut si brillante à Lyon,
et Rousset y prit une part des plus énergiques et des plus heureuses.
Sans se rendre compte des difficultés de toutes sortes qui s'oppose-
raient à ce qu'on le jouât, sans se demander s'il trouverait en pro-
vince des artistes disant les vers comme au Théâtre-Français ou à
TOdéon, il écrivit : le Calomniateur, drame ; la Décoration, comédie;
Y Emancipation de la femme, comédie; Y Ambitieux, comédie; puis son
théâtre politique, d'un caractère si élevé, dans lequel il aborda sans
hésiter les grandes figures de la Révolution : la Mort de Danton,
drame en trois actes, bien versifié, où il y a de fortes positions; la
Mort de Mirabeau, drame en cinq actes ; la Bataille électorale, char-
mante comédie en cinq actes; un Thé chez Barras, pièce fort jolie,
vive et bien conduite, admirée de ses amis, et qui, comme les autres,
n'eut jamais les faveurs de la rampe; et, cependant, plusieurs direc-
teurs de nos théâtres furent des hommes intelligents ; public et jour-
 naux eussent salué cet acte intelligent de décentralisation, et nul
 doute qu'auteur et imprésario n'eussent trouvé un véritable succès
 de bravos et d'argent. Tous les efforts furent inutiles; nos deux
 scènes demeurèrent closes. Peut-être la France y perdit-elle un
 auteur dramatique de premier ordre. Qui sait où un encouragement,
 une ovation eussent conduit notre auteur?
   Il ne se découragea pas pour si peu. Il fit imprimer son Théâtre
politique et l'offrit à ses amis ; puis, tout en s'essayant dans le genre
 de la fable, il produisit une foule de petites pièces de théâtre, en