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  132                     LA REVUE LYONNAISE

      Il est assez piquant de voir Linthaut enchérir encore sur ce point
   et nous raconter pendant plusieurs pages des folies d'alchimistes de
   son temps. En somme, après avoir beaucoup parlé du grand oeuvre,
  il avoue que personne n'a trouvé le secret. « On trouve les termes de
  cette science si divers qu'il nous est impossible, comme dit Ray-
  mond Lulle, de descouvrir la vérité entre tant de diversitez, si Dieu
  ne nous inspire pas son saint esprit, ou ne nous la révèle par quelque
  savant philosophe. Voila pourquoy nous n'en voyons guère qui l'en-
  tendent et n'en savons rien jusques après leur mort, parce qu'ayant
  acquis cette science à si grand' peine, ils la celeroyent à eux mesmes
 s'il estoit possible, au lieu de la communiquer aux autres. Il ne faut
  donc trouver estrange, si l'on ne voit personne qui se vante d'avoir
 fait ce divin Å“uvre, ains s'estonner comme il y en a aucun qui soit
 parvenu à cette cognoissance... »
     Voilà, on l'avouera, qui n'était guère fait pour encourager les
 néophytes. Il est évident que Gamon et Linthaut croyaient à la
 pierre philosophale et à l'élixir de longue vie, comme beaucoup de
 gens croient au diable, c'est-à-dire sans en être bien sûrs et en
 avouant qu'il est difficile de le rencontrer en personne. Les condi-
 tions morales et métaphysiques dont ils font dépendre le succès du
 grand œuvre font l'effet d'une sourdine qui couvre souvent les éclats
 de leur foi naïve. Tellement que, si l'on ne savait de quelles éton-
 nantes contradictions l'esprit humain est capable, on pourrait se
 demander si l'on n'est pas en présence d'une vaste allégorie, et si le
poète n'a pas voulu faire de l'ironie encore plus que de la science
aux dépens de ceux qui prenaient ses paroles à la lettre sans en com-
prendre l'esprit. Ajoutons que la Semaine, bien que le sujet y prêtât
singulièrement, ne contient rien qui révèle chez son auteur la persis-
tance aux dogmes nébuleux de la philosophie hermétique.


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   La Muse divine, publiée pour la première fois, comme le poème
précédent, dans h Jardinet de Poésie, et imprimée à part avec de larges