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LA « MARSEILLAISE » DE MAZOYER 41$ purement philologiques. Rien ne rappelle, dans ces études calmes et recueillies, le bouillant libéral de Saint-Vallier. Ses aspirations se réveillèrent au canon de février, à la chute du trône orléaniste, à la proclamation du gouvernement républicain. L'ardeur qui courait les rues le secoua de son repos, et, quoique employé dans la maison Pélagaud, dont le chef avait d'autres pensées, son enthousiasme égala aussitôt celui de ses camarades et de ses amis. On se souvient des élans populaires, à la nouvelle qu'un nouveau régime était inauguré à Paris. On se rappelle ces manifestations immenses qui couvraient les places et les rues; ces foules, hommes et femmes, venant de Vaise et de la Guillotière, descendant de la Croix-Rousse, drapeaux en tête, armées ou non armées, entraînant les régiments, acclamant, portant en triomphe un soldat, le fourrier Gigou, dînant en plein air, et faisant éclater l'exubérance de leur joie par des chants et des discours. Les typographes se distinguaient parmi les plus heureux, les plus ardents, et c'est parmi eux que fut choisi un des quatorze représentants du peuple envoyés par le dé- partement du Rhône à la Constituante. Simple ouvrier compositeur, Esprit Doutre obtint plus de cent quatre mille suffrages. Un seul candidat avait obtenu plus de voix que lui. Ce fut une fête pour la typographie. Mazoyer qui, depuis longtemps, se tenait à l'écart, n'obtint ni place ni emploi, mais son patriotisme vibra comme aux beaux jours de sa jeunesse. Il entonna aussitôt la Marseillaise en français, en latin et en grec. Acclamé par un groupe nombreux de camarades et d'amis, Mazoyer fut bien vite connu de la foule. Le noble chant fut demandé, redemandé, applaudi, porté aux nues et salué d'unanimes bravos. On verra si l'admirable langue grecque a su rendre les élans passionnés, les accents patriotiques et les paroles brûlantes de l'hymne français.