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HISTOIRE D'UN CRIME 323 qui ne m'allait pas, « d'entrer gendre », à 'cause du bouilli. Je le dis à mon oncle, qui m'aimait trop pour insister. Soit qu'on ne trouvât personne à son gré, soit qu'il se présentât peu de prétendants, mademoiselle Séraphine coiffa sainte Catherine. — Aujourd'hui horriblement laide. A la suite de quoi, mon oncle Cadet me présenta à la famille Brisemiche. Les Brisemiche étaient fort riches et fort religieux. Mon oncle Cadet prisait fort cette dernière qualité; moi aussi. Qui fût allé le dimanche à la messe du prône de Saint-Polycarpe n'eût pas manqué de nous y voir. Mais les Brisemiche avaient une dévotion particu- lière et roide comme la Justice, ce qui n'empêchait pas ces enfants de Lumière de conduire leurs affaires temporelles aussi bien et mieux que des enfants de Ténèbres. On damnait tout le monde dans cette maison-là , et les catholiques qui n'étaient pas de la maison encore plus que les hérétiques. En cela les Brisemiche s'étaient montrés les hommes du progrès, car il n'y avait encore quasi point de Lyonnais dans cet esprit. On était encore bien loin des querelles du Syllabus, mais déjà Ton attaquait la vieille liturgie, chère aux vieux Lyonnais. Je ne sais si vous vous remémorez les Letlres de Sophronius, qui avaient été écrites par quelque ecclésiastique gallican en faveur de la conservation de notre liturgie. Moi, benoni, j'en portai un exemplaire aux Brise- miche, pour les convertir. En mon absence, vint un brave Père, qui le fit brûler, sans plus de façon qu'on eût jadis pu faire d'un homme. Je regrette encore ma brochure devenue « introuvable », comme disent les catalogues des libraires. C'était des gens « fixés », que ces Brisemiche. Ils possédaient la vérité absolue. Même plus,, car non seulement savaient-ils ce qui était, mais encore savaient-ils nombre de choses qui n'étaient pas. Ce n'est pas tout rose de vivre avec des gens qui possèdent la vérité absolue, mais j'aurais passé sur bien des choses, car M.UQ Bri-