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LA « SEMAINE » DE CHR1ST0PHLE DE GAMON 179
Après avoir entamé contre du Bartas, à propos de la Trinité, une
de ces discussions qui caractérisent les préoccupations théologiques
de l'époque, Gamon combat vigoureusement l'idée du chaos, comme
incompatible avec la puissance de Dieu et la leçon de Moïse.
Du fantasque Chaos la profane doctrine
Ne heurte seulement la parole divine,
Mais la nature encor du prudent Créateur,
Qui d'un œuvre confus ne peut estre l'autheur.
Il montre que l'idée du chaos est née d'une fausse conception sur
le grand ouvrier qui n'a pas besoin, comme les ouvriers terrestres,
de tâtonner et d'ébaucher un ouvrage, avant de le parfaire. Il raconte
le fiât lux. Il chante les louanges de la lumière, cette sublime
création du premier jour, qu'il compare à la Trinité. Il chante ainsi
la nuit :
La nuit est celle-là qui, plus douce que belle,
A le front inde-obscur, sème d'astres son aile,
Porte au chef un croissant, une lampe à la main,
Le neufart, la laitue et les mauves au sein.
Une jupe au teint noir, d'une agrafe fermée,
Arrivant au genou, ceind sa chair enfumée;
Et des chauves-souris les ailerons soudains
Volettent sur son chef surbaigné de serains.
C'est elle qui, flattant nos paupières obscures,
Envoyé à pas tardifs, peignant maintes figures,
Celuy qu'aucun ne voit, s'il ne ferme les yeux,
Qui plus il penche morne, et plus est gracieux,
Le sommeil, dont l'appast égale, charitable,
Le maistre et le valet, l'heureux, le misérable,
Et, nous faisant gOuster l'aime présent des nuits,
Procure un doux relasche à nos tristes ennuys.
O couple bienheureux ! bienheureuses germaines !
Et toy, Jour bienheureux, heureux Jour qui ameines
Tout premier, au grand bien de ce grand univers,
Deux sœurs d'un naturel si doux et si divers,
Don* l'une se revelle, et l'autre est si secrette,
Dont l'une on voit si blanche et l'autre si brunette,
Dont l'une fuit tousjours, tousjours l'autre la suit,
Dont l'une est la lumière et dont l'autre est la nuit !