Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
 266                 LE DERNIER DES VILLEROY

avait anéanti les armées françaises, en Flandre comme en
Italie. Louis XIV se contenta de lui dire en le saluant :
  « — Monsieur le Maréchal, on n'est plus heureux à
notre âge. »

   Le mot est resté autant à la honte du roi- qu'à celle du
maréchal.
   On s'aperçut enfin qu'il était impossible de confier aucun
commandement à ce dernier. Il s'en consola en muguettant
autour des femmes et en faisant d'emblée la conquête, lui,
vieux grison, ridicule et baffoué, de la belle et spirituelle
marquise de Caylus, de trente ans plus jeune que lui. De
quel sang étaient donc Ces courtisanes et ces courtisans que
rien n'arrêtait, ni la vieillesse, ni la défaite, ni la ruine des
armées, ni la honte d'avoir montré tant d'incapacité ?
Depuis lors, quoique ayant passé la soixantaine, il ne fut
plus occupé, comrr.e aux beaux jours de sa jeunesse, que
de galanteries, de luxe, de fêtes et de plaisirs (31).
   En 1714, étant à Neuville, moitié en exil, moitié en repos,
il apprit la révolte des bouchers de Lyon, ville dont il se
souvint alors qu'il avait le gouvernement.il marcha aussitôt
à grand apparat contre les mutins et arriva quand tout étahr
fini. Son intervention maladroite lui valut un redoublement
d'épigrammes et de chansons, mais rien ne pouvait entamer


    (31) Si, d'après un illustre écrivain, la création d'un plat nouveau
 fait plus pour le bonheur de l'humanité que la découverte: d'une étoile,
 n'oublions pas que c'est au prisonnier de Crémone, au vaincu de Ra-;
'milites,' qu'on doit un mets qui règne encore aujourd'hui sur nos tables,
 ces croquettes de ris de veau qui ont gardé le nom de Villeroy.
    Comment les' panégyristes du maréchal n'ont-ils pas rappelé ce fait
 si fort à sou honneur?