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132           DIVAGATIONS ET MENUS PROPOS

   Je vais plus loin. Pour pénétrer les idées et comprendre
les rêves sublimes de ces maîtres, il faut les prendre au
début et suivre pas à pas leur marche ascendante ; sans cela
leurs derniers ouvrages semblent écrits dans une langue
inconnue. Cette préparation utile à l'égard de tous est
indispensable à l'égard de Beethoven. Il n'est pas absolu-
ment indispensable de connaître Idoménée ou Y Enlèvement
du sérail pour apprécier Don Juan. Seul, dans son incroyable
perfection, c'est toujours le roi des opéras, l'opéra par
excellence. De même, chaque symphonie d'Haydn et de
Mozart se tient par elle-même, n'est pas un épisode déta-
ché d'un autre poème et pourtant           ne nous aventurons
pas dans une glose interminable; pour Beethoven, il est
facile d'apercevoir la progression des idées et des formes
dont il tend à les revêtir en se dégageant à chaque pas des
formes consacrées. Ses six premiers quatuors, ses deux
premières symphonies sont dans la donnée classique. Il s'y
trouve mal à l'aise et reste inférieur à ses devanciers, dont
le talent plus souple jouait avec l'aridité des formules. Pour
lui, son objectif est au-delà du monde réel; il poursuit une
lumière, ses auditeurs perçoivent quelques reflets, et en
suivant leurs lueurs tremblantes finissent par y voir un peu
plus clair sans arriver à la solution complète. Aurait-il
voulu embrasser, dans une oeuvre de proportions inouïes,
l'histoire, la poésie, la philosophie même de l'humanité ?
On peut hasarder la question, il serait téméraire de vouloir
la trancher et d'assigner à chaque symphonie un rôle bien
déterminé. On sent, néanmoins, que chacun de ses chants
procède du chant antérieur et prépare le suivant jusqu'à
l'explosion du dénouement.
   Dans la symphonie en ré, la deuxième, on voit quelques
tendances à la contemplation idéale d'un monde nouveau,