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DE L'UNFINI 3M demment un genre de clés qui ne peut ouvrir qu'un genre de serrures. Il n'est pas rare, comme on l'a observé, que ceux qui appliquent à la recherche philosophique un esprit gouverné 'a l'excès par les règles des mathématiques et de la géométrie, présentent l'alliance du dogmatisme prétendu scientifique et du mysticisme. Peut-être le P. Gratry, malgré les mérites supérieurs de philosophe et d'écrivain qui le dis- tinguent, s'est-il exposé a ce qu'on étendît jusqu'à lui cette remarque. Nous serions souvent tentés d'être de l'avis de la reine de Prusse, la savante amie de Leibnitz; elle disait, que « de tous ceux qui se mêlent de philosophie, les mathé- « maticiens étaient ceux qui la satisfaisaient le moins, sur- et tout lorsqu'ils essaient d'expliquer l'origine des choses en « général, ou la nature de l'âme en particulier ; et que, mal- « gré toute leur exactitude géométrique, les notions meta- « physiques étaient, pour la plupart d'entre eux, des pays « perdus et d'inépuisables sources de chimères (1). » Je ne puis donc me rendre à l'assertion du P. Gratry, émiae à propos de sa théorie de l'induction, que nous attei- gnons réellement l'infini. Ces quelques pages auront montré, ce me semble, l'insoutenable erreur où l'écrivain est tombé. A peine est-il besoin que l'explication philosophique vienne confirmer le sentiment fort clair qui nous apprend à tous que nous ne tâtons la réalité de l'infini nulle part, ni en géomé- trie, ni en physique, ni en métaphysique. J'avoue, quelle que soit ma vénération pour l'éternelle vérité qui se réfléchit dansles mathématiques,quejem'alarmeraisjusqu'à une grande surprise et un assez triste désappointement, qu'on arrivât à Dieu, afin de s'en procurer la vue réelle, sans plus de façon qu'il n'en faut pour effacer d'une équation algébrique les termes qui représentent des quantités variables. (1) Hist. crit. de la répabl. des lettres, 1. IX, p. 128.