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236                EXPOSITION DES AMIS DES ARTS.'

de critique, une espèce de livret commenté et développé dans le simple but
(sans doute), d'apprendre au public que la mort de César est la mort de
César, que le portrait de M. *** est un portrait, que te! arbre est à gauche
dans ce paysage, à droite dans tel autre, que ces fleurs sont disposées en
guirlande pour celui-ci, en bouquet pour celui là ; en ajoutant quelques
appréciations purement individuelles dans lesquelles un : sans doute ne
marche jamais sans être suivi d'un : mais compensateur.
   Nous n'aimons pas beaucoup, non plus, la critique de négation qui,
presque toujours placée hors du point de vue, ne saurait guère être profi-
table à aucune espèce d'enseignement. Malheureusement, avouons-le, elle a
trouvé des exemples d'hostilité systématique chez les artistes eux-mêmes,
dans les coteries, dans les cénacles. Comme si la nature, généreuse et mul-
tiple dans ses révélations, n'offrait pas à l'exploration de chacune d'elles
des horizons au^si vastes, des splendeurs aussi infinies. Ah ! sortons du
chaos des discussions oiseuses et stériles ! Rois de la forme ! Princes de la
couleur, donnez-vous fraternellement la main entre un groupe de grands
hommes et un bouquet de jolies femmes.
   La toile capitale de notre galerie est celle de M, Gérôme (282) : La Mort
de César.
   Nous nous inquiéterons peu de ne pas trouver dans cet épisode d'un
grand drame la vérité vraie d'un cadavre d'amphithéâtre ou de Morgue. Ce
qui nous frappe dans ce tableau, fragment d'une composition beaucoup
plus vaste, c'est cet isolement lugubre d'une puissance aballuc, c'est le
dessin magistral de ce raccourci savant, c'est cette ombre sinistre comme
un voile de deuil qui a déjà envahi cette tè'e qui ne pense plus, celte poi-
trine qui a cessé de battre. C'est la sobriété silencieuse d'une couleur
qui ne vient point hors de propos égayer les yeux. C'est l'ensemble har-
monique qui enveloppe le tout sans dissonance et sans obscurité. Enfin, de
ces combinaisons, en apparence purement matérielles (il ne peut en être
autrement en plastique), il ressort un fait de l'ordre moral, la manifestation
d'une pensée.
   Nous connaissons assez le talent de M. Barrias, pour ne pas avoir à le
discuter au sujet d'une composition un peu confuse qu'il nous a envoyée
cette année (38) : Conjuration chez les Courtisanes. Nous signalerons avec
plaisir un morceau de ce tableau où nous retrouvons la puissance de forme
et de couleur qui ^distingue ce peintre : la belle Vénitienne qui fait partie
dugroupeplacé à la gauche du spectateur; là, nous voyons réunis un modelé
énergique, un coloris d'ambre plein de sève, de vie et tout ruisselant de
lumière.