page suivante »
224 DE LA SOCIÉTÉ A LYON. semble, des éléments qui peuvent suffire a composer une so- ciété égale a tout autre en qualités intellectuelles et morales. Weimar formerait a peine un quartier de Lyon, et sa société, au temps de Schiller et de Goethe, n'a-t-elle pas été la plus éclairée, la plus aimable et la plus recherchée de toute l'Alle- magne ? Nous n'avons pas les inconvénients des cités trop petites dans lesquelles on se connaît bon gré mal gré, où il n'y a pas possibilité de s'éviter alors même qu'on a les meilleures rai- sons pour le vouloir, où l'on est trop des voisins et où on s'importune forcément les uns les autres. Mais nous n'avons pas non plus les inconvénients de ces cités immenses où les hommes peuvent disparaître et reparaître tour à tour dans des rôles nouveaux sans qu'on les reconnaisse. Notre société n'est pas exposée à ces humiliations si fréquentes ailleurs. Chacun de nous peut se donner le degré d'indépendance qui convient a ses goûts, et la dignité des relations n'est jamais compromise. Cette liberté et cette sécurité rendent plus facile encore et plus générale la bienveillance qui est un des caractères dis- tinctifs de la société lyonnaise. Je ne parle pas de cette bien- veillance banale qu'on exprime par des sourires à deux ou trois cents invités, connus ou inconnus; elle n'est qu'une des formes obligées de la politesse ; je parle de cette bien- veillance qu'on témoigne de mille manières a quelques per- sonnes choisies et groupées autour de soi comme des amis; elle est alors un sentiment et le plus aimable de tous. Cette disposition bienveillante des caractères exclut la moquerie, double péché de l'esprit et du cœur, qu'il ne faut pas confondre avec la plaisanterie inoffensive, souvent déli- cate et gracieuse. L'arme du ridicule, si familière ailleurs à l'esprit français, n'est pas d'usage parmi nous ; on se blesse- rait soi-même en s'en servant. Mais nous avons un frein plus