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NOTICE SUR J.-B. DUMAS. 119 sèment sourd, pareil à la plainte du cœur qui se brise. La mort enlève à Dumas sa fille aînée qu'il chérissait ; cette jeune femme disparaît du monde, presque sans avoir eu le temps de quitter les voiles blancs de la mariée pour le lin- ceul des trépassés. A partir de ce moment, ce fut fini. Le malheureux père , abîmé dans son affliction , ne se re- connut plus. C'était l'amour accumulé dans son cœur qui lui avait donné l'ivresse paisible et douce des gens heureux; mais, sitôt que le deuil se substitua à l'amour, cette nature tendre sentit s'en aller toutes ses forces, et un chagrin noir, insurmontable prit possession désormais chez lui de la vie attaquée a sa source. Les lettres, consolatrices si puissantes, ne surent pas mieux distraire Dumas que les affections qui lui restaient. On ne le vit plus a l'Académie, il cessa d'écrire. Dieu a mélangé souvent dans le vase divin de l'âme la bonté et la faiblesse. Cœur faible avec sa dose de bonté, Dumas fit comme ceux qui, dès qu'il y a une brèche dans leur fortune, se croient ruinés ; à un seul amour qui lui échappait, il se tint pour perdu. Il l'était en effet. Ce n'était pas vivre que de renoncer aux lettres et de n'attendre plus que des tristesses nouvelles. Elles vinrent dans cette âme mélancolique et abattue, pré- parée dorénavant à les recevoir ; elles vinrent avec l'aiguillon plus vif de l'épreuve réservée aux bons : une catastrophe lamentable sépara Dumas de celle qui avait été sa compagne dévouée et qui périt des atteintes du feu a ses vêtements. Depuis, que servirait de chercher dans une existence qui languit et se dérobe à tout autre soin que celui de la mort, des détails a mettre dans le cadre d'une biographie? Laissons a l'inviolabilité du foyer ces petites choses que trop de bio- graphes relèvent peut-être avec une affectation indiscrète. Il sied d'être plus sobre et plus retenu envers la mémoire des morts. La nature qui fond le corps de l'homme en une pous-