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98 VISITE A SANT' ONOFRIO. son génie d'après la Jérusalem délivrée seulement, œuvre en partie de sa jeunesse et dont les manuscrits lui furent même dérobés quelque temps. Les Italiens instruits lui assignent un rang très-élevé comme penseur et font le plus grand cas de sa Prose philosophique (1). Quelles années précieuses lui ont enlevées, dans la force de l'âge et du talent, ses envieux et son injuste captivité ! Il avait toutes les qualités qui font l'éminent poète : enthousiasme, amour et foi! grandeur, noblesse, dignité, indépendance du caractère! S'il chanta le duc d'Esté, on doit le lui pardonner; il le voyait a travers son amour et célébrait en lui bien moins le souverain que le frère d'Eléonore. Il était né chez le peuple le plus poétique du monde et sous le plus beau ciel d'Europe, à l'ombre des oliviers antiques, des myrtes, des orangers et des citronniers toujours fleuris de Sorrente , parmi des sites enchan- teurs qu'on dirait empruntés a l'Eden de Milton et dont il se souvint plus tard en décrivant les jardins d'Armide. Ses regards d'enfant contemplaient le Vésuve et rencontraient vers l'autre rivage, presque en face des foyers maternels, les pentes gracieuses du Pausilippe et le tombeau Virgilien; bleue comme le plus limpide saphir et toujours calme, cette mer délicieuse qui se déroulait devant lui toute semée de voiles blanches comme de gigantesques ailes de cygne, devait lui parler de féerie et d'Orient. Pour bien comprendre le Tasse il faut peut-être avoir rêvé sur son berceau et s'être agenouillé sur sa tombe ! En naissant, il fut si richement doué par la Providence qu'on ose a peine expire ce que la tradition et son ami Manso (1 ) Les Italiens estiment beaucoup aussi les lettres du Tasse, 5 vol. in 8°. C'est là qu'il faut l'étudier et apprendre à l'aimer. On pourra se faire une idée de son style cpistolaire en lisant la lettre que je reproduis en entier dans le cours de cet article, lettre d'adieu suprême à l'un de ses derniers amis. 4k