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384                INAUGURATION DU MONUMENT

de vous, Messieurs, et de celui dont vous avez voulu perpétuer la
douce et bienveillante figure.
   Elle était bien lyonnaise, cette sympathique nature chez qui la
bonté le dispute à la sincérité et dont les aspirations, dans la diversité
même de leur expression, convergent vers un même idéal de bonheur
et de liberté.
   Ballade, rêverie ou chant patriotique, c'est le même besoin d'aimer
et de chanter au monde son amour. Que sa voix s'enfle et essaie de
dominer le bruit de la tempête, qu'elle s'assouplisse jusqu'au doux
bruissement du ruisseau pour célébrer la nature dans ses merveilleuses
harmonies, Pierre Dupont sera toujours un fervent d'amour, sur les
ailes d'une imagination qui se laisse aller aux caresses d'une douce et
consolante rêverie, pour s'élever, par des bonds inattendus, jusqu'à ces
puissantes envolées qui sont presque le génie.
  Il est, jusqu'à la dernière heure, l'éternel amoureux de ces trois
Grâces qu'il a si joliment chantées et qui se sont disputé son cœur
comme elles se sont disputé sa lyre, sans que les cordes aient jamais
cessé de vibrer dans une égale harmonie.
   Pierre Dupont n'est pas seulement un adorateur de la nature. Il
aime ceux qui vivent par elle. Il chante les travailleurs, l'ouvrier des
champs comme l'ouvrier des villes. Il les soutient dans leur rude
labeur. Il éveille en eux des espérances ; ou, s'il évoque le souvenir de
la souffrance, sa plainte n'a jamais rien d'amer et il console l'individu
de sa misère en buvant à l'indépendance du monde.
   Belle et touchante leçon que celle de ce poète qui ne veut d'autre
muse pour chanter le peuple que celle que la fraternité des hommes
inspire. Et ce chant d'amour se redira dans la France entière, dans
l'atelier, dans la chaumière et jusque dans les fêtes, tant que la Liberté
rayonnera sur notre pays.
  Quand la Liberté disparaîtra, Pierre Dupont fera entendre d'autres
accents qui se ressentiront d e l à violence des impressions que, plus que
personne, il devait subir.
   Son cœur l'entraînait vers les vaincus et les déshérités. Il chanta pour
eux, mais, sous la rafale les énergies s'étaient courbées, et sa voix
s'éteignit dans le silence où la Liberté elle-même s'était ensevelie.
   Si elle a survécu jusqu'à nous ; si, après cinquante années et plus.
Les Sapins, Les Chênes, et tant d'autres chants retrouvent chez les
jeunes gens d'aujourd'hui, les mêmes enthousiasmes qu'au premier