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               DU CHANCELIER MICHEL DE L'HOPITAL                          37

   « Nous avons séjourné cinq jours entiers dans la colonie
amenée en Gaule par Plancus(i). Mais combien les hommes
de ce siècle reculé étaient plus sages et prévoyants que ceux
d'aujourd'hui ! on veillait alors avec plus de soin au bien
général. Lyon était baigné dans l'air pur d'une belle colline,
d'où la vue s'étendait sur toutes les campagnes avoisi-
nantes.(2)Il manquait un cours d'eau : on alla au loin, vers
Saint-Etienne,chercher des sources qui furent amenées sur les
hautes arcades des aqueducs. Mais la fureur des flammes
détruisit la ville ancienne ( 3 ) ; et maintenant, entre la mon-
tagne et le cours de la Saône, les maisons se pressent,
étouffant dans un espace trop étroit. Jamais tant de milliers
d'habitants ne pourraient tenir dans un lieu si resserré, si
les maisons ne s'élevaient à des hauteurs extraordinaires, et
ne multipliaient leurs étages. Le matin, un épais brouillard
vous prend à la gorge, et il ne se dissipe pas avant que le
soleil ait accompli la moitié de sa course. O aveugles, aveu-
gles Chalcédoniens (4) ! Cependant les citoyens les plus aisés
reconnaissent que leurs pères se sont trompés : ils se mettent
à bâtir sur la montagne, entre les aqueducs et les ruines
de la vieille ville. Spina (5) a enclos de murs une partie



    (1) A Lyon, ville fondée (selon la tradition reçue) par Munatius Planais:
   (2) Le mouvement qui fit descendre Lyon sur le bord de ses fleuves
était inévitable. Mais l'admiration pour l'antiquité était alors de rigueur.
   (3) Sous le règne de Néron (Voy. Sénèque, Ep., 91).
   (4) Allusion peu naturelle à l'oracle de Delphes, qui avait appelé
Chalcédoine, ville bâtie en face de Bysance, sur la rive asiatique, la
cité des aveugles, parce que ses fondateurs n'avaient pas choisi de préfé-
rence l'autre côté du Bosphore.
  (5) Léonard Spina, riche marchand lyonnais, d'origine italienne. La
belle maison dont parle l'Hôpital était située sur la colline Saint-
Sébastien. — Sur ses goûts de magnificence, voir G. Paradin. Mémoires
de Vhist.de Lyon, p. 378.