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MAURici- SCKVK 75 soutenir qu'ils sont tout, puisque si nous les négligeons, si nous ne leur prêtons pas l'attention qu'ils méritent, c'est la succession des faits qui nous échappe, c'est la généalogie des formes, c'est la continuité du mouvement intérieur qui vivifie l'histoire. Ne sortons pas Je chez nous, contentons-nous de nos propres exemples. Avez-vous lu Parny, Delille et Chêne- dollé ? Ce ne sont pas de grands poètes, et la lecture n'en a rien aujourd'hui que de plutôt fastidieux. Mais si vous ne les avez pas lus, vous ne savez pas, vous ne pouvez pas savoir toute la nouveauté des Méditations de Lamartine; vous ne pouvez pas discernerceque l'inspiration de l'auteur du Vallon et du Lac a tout ensemble fondu dans sou vers d'original et d'imité, de personnel et de banal, d'inéprouvé par d'autres et de déjà ressenti par eux. Connaissez-vous encore un certain Courtilz de Sandras ou Sandrasde Cour- tilz ? Il vivait au commencement du xvme siècle, et, sans par- ler du reste, il inondait de Mémoires apocryphes la librairie de son temps. Rien de plus médiocre, ni de plus vide. Mais la lecture en éclaire les Mémoires de Grammont d'une vive lumière, et si le Gil Blas de Lesage est le premier de nos romans réalistes, vous n'en retrouverez pas Tune au moins des origines, ailleurs que dans la littérature de Courtilz de Sandras. Et que vous dirai-je d'Alexandre Hardy, le fécond dramaturge qui, pendant vingt-cinq ans, de 1605 à 1630, défraya lui tout seul le théâtre français ? Il n'avait aucun talent, et ses tragédies sont informes. Je défie le directeur de l'Odéon lui-même d'en oser remettre une à la scène ! Mais s'il relevait peut-être le défi, je ferais la conférence et vous verriez très clairement que, de ne pas connaître le théâtre d'Alexandre Hardy, c'est s'exposer, Messieurs, à se tromper du tout au tout sur le théâtre de Corneille.