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LA PESTE A SA1NT-GENEST-MALIFAUX 355 vement que je n'ose mettre ici la quantité; aussi ils s'in- fectèrent l'un l'autre et furent en partie cause du désordre de ce village. Après que ce village fut désinfecté, quelques jeunes gens se retirèrent fort tôt, lesquels pour avoir passé par beaucoup de dangers se persuadoient n'être guères sujets à ce mal, s'assemblèrent cinq ou six, parmi lesquels étoit un venu de nouveau de Saint-Etienne et suspect, et se mirent à la débauche, d'une telle façon que ayant eu de la chair d'une bouvine qui etoit morte à M. le Lieutenant (18), ils ne se donnoient loisir que de la cuire sur les charbons où le vin nouveau ne fut pas épargné ; aussi trois d'iceux moururent bientôt et ledit suspect en fut l'un qui etoit enfant de ce lieu. On a'vu quelques-uns, mais peu, avoir si peu de soin de leur conscience qu'ils ne daignoient pas se confesser bien qu'ils en eussent la commodité, qui est une marque de réprobation évidente. Plusieurs aussi se fièrent à un galloupin qui promettoit les sauver de la maladie, en lui baillant certaine somme d'argent, mais Dieu permit qu'ils en moururent. Autrefois on souloit enterrer les morts de la peste à la Croix-des-Rameaux, et la peste étant passée, on les appor- tait au cimetière, mais chacun s'est saisi de cette place et n'y reste plus rien que des chemins. C'est pourquoi au commencement de la peste quelqu'un proposa d'en faire un nouveau et plus loin du bourg; mais personne n'y presta l'oreille. Après que le gros de la peste fut passé, celui-là (18) M. le Lieutenant de la Baronnie de la Faye, de laquelle dépen- dait une partie de la paroisse.