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56            LE COMPARTIMENT DES FUMEURS

Durel s'empresse de lui offrir du feu; je roule à mon tour
une pincée de tabac ; ma voisine me tend sa cigarette pour
que j'allume la mienne, et nous justifions de notre mieux
le titre du compartiment que nous occupons, la dame au
sarrau gris ayant l'air ravie du dépit croissant du gros mon-
sieur et ne paraissant même pas s'apercevoir des allures
effarées de la mère et des filles.
   « Vous allez à Paris, me dit-elle au bout d'un moment.
— Non, madame. Je vais au Havre et mon ami à Caen ;
c'est-à-dire que nous cheminons ensemble jusqu'à Mézidon.
— Eh bien! moi, je vais aussi au Havre. Mais on n'a pas
voulu me délivrer de billet jusqu'à destination, me disant
qu'il était impossible d'assurer les correspondances. »
   Durel riposta que nous étions dans le même cas, et la
conversation roula sur les événements militaires, sur la
force des effectifs, sur l'éventualité prochaine d'une victoire
remportée par nos troupes. Je constatai que notre interlo-
 cutrice parlait avec un léger accent britannique et qu'elle
avait un sourire muet et quelque peu ironique, chaque fois
 qu'il était question de nos triomphes probables.


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   Sitôt arrivés en gare du Mans, mon camarade et moi
courûmes aux informations. Impossible, nous fut-il répondu,
de penser à partir avant sept ou huit heures du matin : or,
il était minuit.
   Durel, célibataire plus que trentenaire, ancien zouave,
d'un naturel entreprenant, voulait proposer à notre com-
pagne de route de se mettre avec nous en quête d'un sou-
per et d'un gîte, dans un des hôtels du voisinage. Il m'a