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462 HISTOIRE D'UNE PENDULE nouveau, faute d'aliments. Je n'osai sortir pour aller en chercher, car la malade suivait tous mes mouvements d'un œil angoissé et paraissait plus calme lorsque je me tenais tout auprès d'elle. De longs moments se passèrent ainsi où le profond silence n'était interrompu que par le souffle râlant de la pauvre Jeanne. Enfin on frappa à la porte, c'était M. le curé. Ah ! quel soulagement j'éprouvai, je craignais tant de la voir mourir avant qu'elle n'eût reçu les sacrements. Je les laissai seuls pour quelques instants. Lorsque je revinsse digne ecclésiastique m'ordonna de tout préparer pour l'Extrême-Onction: je ne pourrai lui donner le Saint Viatique, ajouta-t-il, car elle n'a pu avaler l'eau que je lui ai présentée. Lorque la pieuse cérémonie fut achevée et M. le curé parti, Jeanne s'endormit pendant quelques minutes, ensuite elle tomba dans une sorte de délire et des paroles entrecoupées s'échappèrent de ses lèvres - - Pierre, disait- elle, où es-tu ? méchant, tu as vendu sa pendule ; non, non, je ne veux pas, va-t-en, cet argent me brûle, Judas, Judas, jamais elle ne m'a rien refusé : emporte, je n'ai pas faim. Ils ne t'auraient pas tué, non, comédie! comédie ! Tout me fut ainsi expliqué ; j'avais été la dupe d'un odieux eomplot entre les Prussiens et Pierre Lirchu, leur ami. Les provisions avaient été achetées avec l'argent . de la trahison. Comme vous le pensez, j'étais indignée, mais ce n'était pas le moment des récriminations. Jeanne allait mourir... Parfois sa respiration s'arrêtait; elle n'ouvrait les yeux que par intervalles et ne semblait plus me reconnaître. En- fin, après un long moment de sommeil apparent,, elle les ouvrit tout grands sur mon visage penché vers le sien: