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388 ALGEU Vallon, mais déjà bondées de malades allant vers le mé- decin maure, je dus aller à pied. Je passai la rue Babel- Oued et les remparts ; j'arrivai, après plusieurs rampes douces bordées presque uniquement d'oliviers, au fond du Frais-Vallon. Efl cet endroit, la route s'arrête, un ruisseau seul parcourt le fond delà vallée, et en prenant à droite par un sentier étroit et tracé presque au bas d'une gorge étranglée, je montai dans cette petite thé- baïde, peuplée çà et là , sur les rochers, au milieu de terrains en friche, de quelques cinquantaines de chèvres maltaises qui doivent souvent dégringoler et se casser les reins. » « Après avoir franchi le fond du ravin tout garni d'aloës et de figuiers de Barbarie, j'arrivai à la demeure de Sidi-Abderrhaman. Je ne m'étais pas trompé ; évi- demment le sentier que j'avais suivi était un sentier battu journellement, et je ne pouvais avoir de doute, une queue d'environ vingt-cinq personnes attendait le tour de la consultation. Je remarquai parmi ces per- sonnes des Juifs, des Arabes, des Espagnols et une fa- mille française venue dans sa calèche jusqu'au bas du ravin. « Au bout de deux heures environ, mon tour arriva. « J'aperçus alors, assis sur une natte d'alfa, les jambes croisées à la manière arabe, un homme d'une quarantaine d'années, gros, court, vêtu du costume des Maures ; ils ont tout le haut de la tête rasé et cou- verte d'un turban. « Au premier abord, la seule partie du visage qui me frappa fut l'œil noir, très-gros, et paraissant perspi- cace. « Je remarquai que la petite caverne était complète- ment dépourvue de mobilier ,• deux ou trois bouteilles de médicaments, quelques fioles et un réchaud complétaient toute l'officine. — Bonjour, lui dis-je. — Bonjour, me répondit-il en me dévisageant ; qu'est- ce que tu veux? « Après cette parole, il ne me regarda plus, baissa les yeux et attendit la réponse. — Je suis malade et viens te voir. — Bien. Tu n'es pas médecin ? r