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                   SOUVENIRS D'UN GAMIN                 291

les amarres qui retenaient les bateaux entre eux et la
Saône, dontle courant paisible n'a pas l'air de s'émouvoir,
emporte du côté de la ville, ces débris de grappes hu-
maines poussant des cris et se tordant de désespoir.
   A ce moment je reçus d'un professeur un ooup de canne
si bien appliqué que je grimpai lestement cette espèce de
couloir qui existe encore derrière la brasserie de la
Belle-Allemande; j'en portai la marque plusieurs jours,
il est vrai ; mais j'avais vu.
    Sur le soir, la bonne contenance de nos soldats, leur
résistance énergique imposèrent aux Autrichiens qui
n'osèrent pas s'aventurer de nuit dans une grande ville
encore pleine de troupes.
    Des feux de bivouacs furent établis tous les cent pas,
depuis les îles de Fontaine, en passant par Collonges,
 Saint-Cyr et jusqu'à Dardilly. Au devant de ces feux, l'on
 apercevait de nombreux soldats faisant bonne garde
 pour défendre la ville contre les envahisseurs ; mais le
 lendemain, dès la pointe du jour, l'ennemi reconnutque la
 voie était libre.
    Les Français, avec le brave Augereau à leur tête, avaient
 évacué la ville pendant la nuit et s'étaient ralliés sur
 Valence. Les soldats qu'on avait vus se promener autour
 des feux de bivouacs n'étaient autres que des paysans
  qui avaient la consigne d'entrenir ces feux jusqu'au jour
 et de circuler avec des échalas figurant des fusils pour
  donner le change à l'ennemi, ce qui avait parfaitement
  réussi.
     Le lundi, 22 mars 1814, à dix heures du matin, l'armée
  victorieuse de Bubena fit son entrée par la pdrte de
  Vaise et celle de Saint-Clair; ils envahirent tous les quais
  et y bivouaquèrent plusieurs jours. Je me rappelle encore
  tous ces uniformes étranges, que je voyais pour la pre~