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 64                         L'ESTEREL

^ier, rien ne m'a paru aussi étrange et aussi grandiose-
ment pittoresque. Et dire que ce coin miraculeux de notre
pays n'est connu que de quelques agents forestiers! qui
ne voient dans les convulsions de la nature qu'une chose :
la difficulté des sentiers à établir, sans s'apercevoir qu'ils
exploitent d'admirables horreurs qui feraient accourir
tous les touristes du monde si elles étaient connues. Car,
même à Cannes, les habitants, si habiles à exploiter les
étrangers, ne se doutent pas des merveilles ignorées qui
existent à quelques lieues de leur ville. Il n'est, du reste,
pas probable qu'avec l'envie de voir du nouveau qui
dévore le monde, les touristes ne finissent pas par décou-
vrir et plus tard préconiser l'intérêt d'une semblable ex-
cursion.
   Certainement, il se passera encore probablement de
 longues années avant qu'un restaurateur aventureux aille
y faire tourner ses broches pour apaiser la faim féroce de
ses visiteurs; mais qui sait? Trois hôtels confortables se
disputent bien les voyageurs sur les crêtes du Righi, jadis
désertes, et habitées seulement par des chamois, aujour-
d'hui escaladées par un chemin de fer !
   Mais, enfin, il fallait revenir, à Agay, où le chemin de
fer s'arrêtait à 2 heures. Or, il était midi, lorsque nous
nous remîmes en route ; nous traversâmes un pays fort
intéressant à plusieurs points de vue. Comme botanique,
nous eûmes la chance d'y rencontrer des espèces assez
rares, qui ne se trouvent guère que dans les montagnes
de la Corse. Les géologues trouveraient, dans ce parcours,
de quoi faire une ample moisson de roches et même de
minerai ; nous y reconnûmes des couches très-tranchées
de grès houiller; depuis, j'ai appris qu'effectivement
quelques recherches avaient été faites, et je ne doute pas
qu'elles ne finissent par aboutir. Plus près de Fréjus, on