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L'ËSTÉREL 59 pités les sangliers,*et au fond duquel gambadait l'écu- reuil, avec le torrent se brisant sur des roches de por- phyre entassées par le chaos; à notre gauche, une forêt qu'une pente rapide rendait inabordable, et qui semblait se perdre dans les nues ; des blocs énormes de rochers formaient des obstacles que contournait le sentier à peu près tracé que nous suivions. Arrivés à un certain en- droit, une roche formant lunette barre le chemin. Nous grimpons alors dans le bois sur les indications de notre ami, et nous nous trouvons devant une grotte assez pro- fonde, défendue pour ainsi dire par un mur à hauteur d'appui ; une seule ouverture permet de pénétrer dans ce réduit. Un lit fait de branches de pin et de la paille for- mant matelas, telle était la résidence du fameux brigand Gaspard de Bès, qui désola l'Estérel pendant plus de dix ans, par les exploits de rapine qu'il opérait sur les routes qui avoisinent ce groupe de montagnes,réputé alors comme le plus dangereux passage de la Provence. Aujourd'hui, ces solitudes ne sont parcourues que par les agents fores- tiers chargés d'y tracer des sentiers dans toutes les direc- tions, de manière à ce que la traversée de ces contrées devienne possible. Nous descendons retrouver le sentier que nous suivions avant cette visite ; la vallée où nous cheminons se res- serre de plus en plus ; d'énormes obélisques de porphyre surgissent du fond du ravin, chargés de végétations et de plantes grimpantes ; ils font opposition à ceux qui surgissent nus des flancsjde la montagne, de l'autre côté, et s'élancent dans l'espace comme des géants de granit qui veulent tenter d'escalader le ciel. Infimes créatures que nous paraissons au milieu de ces gigantesques bou- leversements ! A mesure que nous avançons, nous nous trouvons au