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296 THIERRIAT ritait d'être épargné ; il était franc-maçon et même Véné- rable d'une loge aux Brotteaux, celle de la Parfaite amitié. C'était une bonne note. Mais il avait empêché, à la tête d'un groupe de citoyens, la destruction des cloches de notre cathédrale. Et, ce qui était plus grave, le Chapitre reconnaissant avait promis de faire carillonner sa fête, le 28 août, jour de Saint-Augustin. Le scélérat dut fuir ; son crime l'avait rendu suspect. Leur commerce était anéanti ; ma grand'mère et Françoise étaient réfu- giées avec l'enfant, dans une petite chambre et livrées aux plus cruelles alarmes. Souvent, des visites domici- liaires venaient troubler leur sommeil. Une nuit, des agents frappent au nom de la loi. La citoyenne Thierriat, à demi-vêtue, se hâte d'allumer une lampe, et, se diri- geant vers la porte, aperçoit sur le berceau de l'enfant une plume blanche, débris d'une vieille parure, avec la- quelle l'enfant avait joué avant de s'endormir. Prompte comme l'éclair, elle saisit cette plume, dont la couleur proscrite pouvait les perdre tous, et la grille à la flamme de la lampe. Les sinistres visiteurs entrent et demandent la raison de cette odeur qu'elle attribue, sans se troubler, à un morceau de papier brûlé par l'enfant avant de se cou- cher, et les agents, sans plus d'observations, bouleversent les lits et déplacent les meubles pour découvrir des sus- pects, et se retirent enfin, en adressant à ces deux fem- mes tremblantes les plus grossières plaisanteries. L'enfant, troublé dans son sommeil, avait conservé un triste souvenir de cette sinistre époque, ainsi que de la fuite de sa mère et du dénûment complet de la pauvre Fran- çoise. Celle-ci , privée de toutes ressources , au lieu d'abandonner son jeune maître, avait fait écrire sur la porte : « Françoise Tisseron, blanchisseuse », et elle allait tous les jours laver du linge et rapportait le prix