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 210                         VICTOR DE LAPRADE
           Lui seul il a forgé ce glaive.
       Quand meurt la liberté sous le pied d'un vainqueur,
       Le peuple a commencé le crime dans son cœur ;
           Un tyran survient et l'achève.

       « Semblables par l'orgueil et les vils appétits,
       J'ai vu les factions des grands et des petits
             Lutter, se lancer l'anatheme.
       Le riche, épris de l'or, défendait ses plaisirs,
       Et le pauvre insultait ce luxe et ces loisirs,
            Jaloux de s'y vautrer lui-même.

    « Un oppresseur toujours nait de pareils débats,
    Il jette, en nous leurrant, les deux pariis à bas
    Et tourne à son profit nos craintes et nos haines.
    Des couleurs de tons deux il a su se farder :
    L'un espère tout prendre, et l'autre tout garder;
    Lui, montre aux deux ri;aux des victoires prochaines.
    Chacun voit abattu son ennemi ; chacun
    S'endort entre les bras de ce sauveur commun...
         Et s'éveille chargé de chaînes. »


  Assurément, Euripide et Sophocle n'eussent pas mieux dit.
Mais le poôte contemporain peut seul revendiquer l'hon-
neur de ces paroles et de celles qui suivent :
    « Puis il laisse avec art, sous son joug rigoureux,
    Les partis se haïr et s'opprimer entre eux ;
    Tous les bons citoyens portent deux servitudes,
    Les caprices du prince et ceux des multitudes.
    Des contraires excès l'Etat souffre à la fois ;
    Tout le fiel des partis s'infiltre dans les lois. »

  N'est-ce pas là l'histoire mise en vers des vingt dernières
années, et lorsque le peintre trop fidèle ajoute :
   « Il se corrompt lui-même à goûter de l'empire. »

  Qui ne reconnaît l'original a ce trait?
  Véracité, sincérité, telle est encore une fois l'obligation