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    136                  LE 2 NOVEMBRE 1875

    frémissante tendait les bras à son poète, ne faisant qu'un
    avec lui.
        M. de Laprade compte bien des succès dans sa glorieuse
     carrière : il n'en a pas eu de plus grand que le jour où
    il a fait couler les larmes de tant de mères en deuil ; et les
    acclamations de la foule reconnaissante l'ont plus touché,
    j'en suis sûr, que les applaudissements recueillis sous la
    coupole de l'Institut. La Providence a ses compensations,
    même en ce monde ; si elle soumet l'illustre poète à de
    rudes épreuves, elle accorde de vifs rayons à son automne.
        M. Victor Boy, élève du Lycée, s'est fait l'interprète de
    tous, en adressant à M. de Laprade de chaleureux remer-
     cîments.
        Telle a été cette noble et touchante cérémonie du 2 no-
     vembre, empreinte d'un caractère triste et grave, mais
     pleine de religieux et patriotiques enseignements. Les
     anciens, eux aussi, honoraient les morts. Ils célébraient
     avec pompe la gloire de leurs héros, et Thucydide nous
     apprend que pour vanter leur courage, on choisissait
     l'orateur parmi les plus sages et les plus grands de la cité.
     Mais je ne sais quelle froideur glaciale régnait dans leurs
     solennités funèbres. Lorsqu'on lit la fameuse harangue que
     Périclès prononça pour les victimes de la guerre du Pélo-
     ponnèse, on admire sans doute le grand art de l'orateur.
     Toutefois cette longue glorification d'Athènes, ces éloges
     de tant d'illustres morts, ces conseils adressés à la jeunesse,
     ces consolations données aux parents des victimes, tout
     cela ne parvient guère à nous émouvoir. Et cependant
      c'est aussi le langage du devoir que l'orateur Athénien
     faisait entendre. D'où vient ce contraste avec nos céré-
      monies funèbres ? Le Christianisme en donne l'expli-
      cation. Plus heureux que les anciens, nous avons une vue
      claire, infaillible, de nos destinées immortelles, Un môme




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