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286                 MAURES ET SARRASINS

sèrent de Grenoble l'évêque Isarn, témoin l'inscription
contemporaine placée au-dessus de la porte de l'église de
Saint-Donat, où l'évêque se réfugia et où on lit le nom
de Mauros. Ce n'est qu'après cet événement, c'est-à-dire
à la suite des Croisades, que Païens et Maures furent,
par les historiens dauphinois, désignés sous le nom de
Saracènes ou Sarrasins. Plus tard, encore, Sarrasin de-
vint, par extension, chez nos villageois, synonyme de dé-
mon, diable, esprit des ténèbres, magicien, sorcier, et
toutes les grottes, les habitations, placées en des contrées
sauvages, furent, nous l'avons dit, appelées de ce nom
réprouvé.
   D'autre part, nous voyons que les châteaux sarrasins
sont juchés sur des rochers, que les forts sarrasins et les
crèches sarrasines sont des cavernes et des anfractuosités
ménagées par la nature dans les flancs des montagnes et
quelquefois agrandies par la main des hommes, auxquels
elles servirent de repaire, de demeure. On pourrait donc
admettre, dans ce cas, que Sarrasin est une fausse inter-
prétation du radical celtique caer, cer, ser, sar, signifiant
rocher, montagne, radical suivi d'une désinence qualifi-
cative .
   Nous ferons observer que les habitants du Queyras
(Chiers, Quiers), une des plus hautes et des plus rocheu-
ses vallées du Dauphiné, sont nommés Chiérassins,
 Queyrassins, expressions où l'on retrouve le cer, qui, de
sifflant, est devenu guttural en quer et que le hasard
fait ressembler phonétiquement à serrasin , sarrasin.
   Le nom de Sarrasin, au sujet de Château-Sarrasin, dit
M. de Coston, ne me paraît pas avoir rien de commun avec
le séjour des Sarrasins en Dauphiné. Ce bourg le de-
vait aux créneaux appelés moucharabis ou mâchicoulis,
 empruntés par notre architecture militaire à celle des