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                            POÉSIE.


             'BALLADE         DES        éMORTS

        Minuit sonnait au clocher du village,
        Les gens dormaient : comme un râle, le vent
        Dans la forêt, à travers le feuillage,
            Sifflait en gémissant.
    Du vieux donjon la silhouette sombre
    Se dessinait sur l'horizon obscur
    Comme un géant, qui dort couché dans l'ombre,
        Accoudé sur un mur.

    On entendait les hurlements funèbres
    Du chat-huant perché sur ces débris,
    Et les échos, à travers les ténèbres,
        Se renvoyaient ses cris.
    Bientôt de terre, au milieu des ruines
    Dont le passant évite les chemins,
    Des feux follets, des flammes purpurines
        S'élevèrent soudain !
    Et puis l'on vit, cohorte funéraire
    Autour des murs, des spectres décharnés
    Sans bruit glisser, traînant leur blanc suaire
        £t des chaînes aux pieds.
    Ils murmuraient les chants de l'agonie,
    Les psaumes saints, et leur voix en tremblant
    Dans l'air serein, se mêlait affaiblie,
        Aux murmures du vent !
    Longtemps, longtemps, on entendit encore
    Leurs chants plaintifs, prolongés dans la nuit...
    Mais, au matin, à la première aurore,
        La vision s'enfuit !!
    Dans mon pays, cette histoire maudite,
    C'est un vieux pâtre en se signant trois fois,
    Par un beau soir d'été qui me l'a dite
         Près de la grande croix.
1875.                                     A. M.