page suivante »
168 LES BIBLIOTHÈQUES DE LYON demi-siècle, du marché des livres rares et curieux, il est devenu de plus en plus difficile pour l'amateur de pro- vince d'acquérir en peu de temps les connaissances néces- saires en ce genre et de former une collection vraiment intéressante. De là aussi le petit nombre d'amateurs pro- vinciaux et le découragement que souvent ils éprouvent et les empêche de continuer leurs recherches et leurs acquisitions. Notons aussi que les achats fréquents par les Bibliothèques publiques de livres précieux, soit par leur rareté, soit par leur provenance historique, — c e qui n'est pas à regretter — restreignent beaucoup le domaine de la curiosité (1). Enfin, la création récente et l'agrandisse- ment d'un grand nombre de bibliothèques publiques, à l'étranger et surtout en Angleterre, ont rendu aussi plus rares les bons livres qu'un amateur aimerait à acquérir. Les gouvernements étrangers ne lésinent pas, comme le nôtre,— ou comme tant de Conseils municipaux, qui ne savent même pas ce que c'est que les livres ; — ils accor- dent aux bibliothèques publiques les plus larges subven- tions, qui leur permettent d'accaparer le meilleur sur les marchés de livres, et c'est ainsi qu'à Lyon, si riche jadis, nous voyons journellement les conservateurs de nos bi- bliothèques publiques privés de ressources suffisantes, être témoins consternés du départ de tout ce que l'imprimerie lyonnaise a produit de plus beau. Charles Nodier disait, il y a plus de trente ans : « Pour compléter mes rayons, il me faut une condition, — dix les collections les plus belles et les plus rares sont dispersées et jetées à tous les vents...., Tous les souvenirs du père de famille sont anéan- tis en un instant; ces souvenirs qu'on devrait garder avec un culte pieux s'effacent et se perdent...,. Et on se plaint de ce que l'esprit de famille n'existe plus chez nous ! ! N'en accusons que ces prétendus novateurs qui. en voulant fonder ce qu'ils appellent la société mo- derne, ont insent dans nos Codes des lois absurdes, destructives de toute société, et ont effacé de nos cœurs le respect filial, base de toute société (1) Il y avait, à Paris, il y a cinquante ans, 200 amateurs de li- vres. L'on en compterait plus de 2,000 aujourd'hui, ce qui fait dire, avec raison, à un écrivain coniemporain : « Ces milliers de petits Mu- sées, sortis de terre depuis vingt ans, sont \& pépinière de nos grandes collections publiques. » Le collectionneur, dont rient les ignorants, sert donc ainsi son pays et la science ; mais on comprendra aussi combien.les recherches deviennent de plus en plus pénibles